L'approche systémique permet de comprendre que, c'est parce que l'on change le regard que l'on porte sur les choses, que les choses changent autour de nous. Comment comprendre qu'un homme se couche sur une planche de clous, si l'on ne cherche pas à savoir que c'est un fakir ! Comment comprendre qu'un individu mente à son proche, si l'on ne sait pas que c'est pour le protéger. Identifier le but qu'un individu cherche à atteindre, c'est se donner une chance de comprendre ses actions et de les accepter. En résumé, se dire que tout comportement est pertinent par rapport à un projet, c'est mettre en application un des préceptes de l'approche systémique. (*)
C'est parce que l'on porte un autre regard sur les situations, qu'elles nous apparaissent différemment. De plus, au lieu de les regarder de façon isolée, il nous faut les regarder dans leur contexte, leur environnement et prendre en compte les éléments avec lesquels elles sont en interaction. " Ne jamais regarder un problème, un objet, un sujet, un projet ou une situation, sans les replonger dans un plus "grand tout", c'est appliquer un autre précepte de l'approche systémique. Par exemple, l'agriculteur qui veut éradiquer les coquelicots de son champ de blé, le faire sans prendre en considération un nombre important de facteurs le mènera à d'autres types de nuisances à plus ou moins long terme !
Pourtant, ce grand tout a des limites, car penser prendre en considération l'ensemble des éléments en interaction avec un sujet, quel qu'il soit, est utopique. La plupart des situations sont complexes, car trop de facteurs s'entrecroisent ; il est donc impossible de vouloir tous les prendre en compte. D'ailleurs, un autre précepte de l'approche systémique énonce que :« face à toute situation il est illusoire de vouloir recenser objectivement tous les facteurs à considérer ». Reprenons l'exemple de l'agriculteur et de ses coquelicots : on se met à penser au glyphosate, à la biodiversité, aux abeilles, à tous les insectes et à l'écologie en général, aux lobbies, à la puissance des multinationales ; jusqu'où faut-il remonter dans le temps et dans l'espace et jusqu'où faut-il regarder l'avenir ? Et comment renoncer à vouloir tout maîtriser ? Si l'on peut changer de point de vue et de grille de décodage face au monde, c'est parce que la réalité prend la couleur de celui qui la regarde. Autre principe de l'approche systémique : « La réalité n'existe pas en soi, elle se définit en fonction de l'objectif de celui qui la regarde ». En devenir conscient permet de relativiser et de multiplier les points de vue. Si je veux améliorer la circulation à Paris, je ne vais pas proposer les mêmes mesures selon que je suis constructeur de parkings, chauffeur de taxi, cycliste, historien ou préfet !
L'approche systémique est éminemment relationnelle. Elle se fonde sur des liens : liens entre un projet et un comportement, liens entre les divers éléments de toute situation qui n'a de sens que dans un contexte, liens d'un individu et sa famille, liens des individus entre eux au sein d'une entreprise... Les interactions sont si nombreuses au sein d'un système que chaque individu ne peut que faire le choix d'en privilégier certaines.
Lorsque le sujet est le point de départ du changement, lorsque ce changement est le résultat d'une démarche personnelle, lorsqu'il décide d'adopter une grille de lecture systémique, même si le chemin est long et difficile, il le fait à son rythme et en est le meneur. Il en sort grandi, transformé. Mais, lorsque les changements lui sont imposés, lorsqu'ils le remettent en cause et qu'ils touchent à son identité, le sujet perd pieds. Il se sent, perdu, déboussolé. Il perd son identité et ne peut parcourir seul ce chemin difficile qui doit l'amener à l'acceptation de ces changements qui le bouleversent. Et c'est là que la démarche inspirée de l'approche contextuelle nous montre la voie salvatrice qui va permettre au sujet de parcourir ce chemin, en comprenant ce qui lui arrive, pourquoi il souffre et comment s'en sortir. Comment dépasser ce bouleversement identitaire si douloureux et qu'il ne comprend pas, c'est à ce prix qu'il pourra retrouver ses repères et samotivation.
Ivan Boszormenyi-Nagy est le fondateur de cette approche, qu'il centre sur le donné et le reçu. D'emblée, il nous dit que le plus important est de donner et non de recevoir et que rien n'est pire que de priver un individu du droit de donner. Cette démarche thérapeutique qu'il développe au sein des familles, nous avons voulu la transposer au sein de l'entreprise. Nagy symbolise l'histoire du donné et du reçu par une balance : sur l'un des plateaux, ce que l'individu donne ; sur l'autre, ce qu'il reçoit en retour. Pour que la relation soit équitable, il faut que les plateaux oscillent et il faut que le don soit reconnu. Car, c'est en donnant qu'on acquiert de la légitimité. Ainsi, pour que la légitimitésoit constructive, il faut qu'il y ait un retour. Si l'individu s'épuise à donner et que ce don n'est pas reconnu, cette légitimité acquise en donnant devient destructive. L'individu peut la retourner contre les autres : manque d'implication, refus de s'inscrire dans les projets, opposition systématique, voire sabotage... Si l'individu la retourne contre lui, il en résultera une déprime, une dépression, un burn-out, voire un suicide. Cette éthique dudonné du recevoir et du rendre existe au sein de chaque famille.
(*) Nous nous sommes inspirés des nouveaux préceptes de l'approche systémique décrits par Jean-Louis Lemoigne dans son livre: la Théorie du système général.